L'APPROCHE GLOBALE DE LA SECURITE
Un commerçant de Kaboul, rapporte un quotidien important, explique, tandis que les préparatifs d'une intervention militaire américaine battent leur plein, qu'il n'a " pas peur du tout ", n'ayant connu que la guerre depuis vingt ans. Cette placidité illustre la différence entre insécurité et sentiment d'insécurité et ne saurait être mise au seul crédit d'une proverbiale sagesse orientale.

Les deux spectaculaires évènements récents, criminel à New-York, accidentel à Toulouse, n'étaient pas nécessaires pour alimenter dans la plupart des pays occidentaux un sentiment d'insécurité qui croît depuis une décennie. Cette évolution, qui a transformé la sécurité en enjeu électoral majeur, pour la première fois depuis longtemps, s'appuie certes sur des statistiques de la délinquance elles-mêmes en augmentation, mais aussi sur d'autres facteurs : instabilité économique et sociale, où la crainte de lendemains précaires alimente les angoisses, avancées technologiques rapides dont la maîtrise est difficile et qui accentuent les clivages sociaux, course à la productivité génératrice de " dommages collatéraux ". La crise dite de la vache folle en est un exemple particulièrement significatif, qui conduisit une partie importante de la population à s'abstenir longuement de consommer de la viande de bœuf, alors que les risques encourus avaient été maîtrisés rapidement.

Les dérèglements sociaux sont liés, sans qu'on puisse clairement induire des relations de cause à effet, à des évolutions sociales spectaculaires, telles que l'éclatement du cadre familial traditionnel, objet d'analyses nombreuses, l'urbanisation de l'écrasante majorité de la population, qui développe l'anonymat des individus. Bien des repères civiques ou éthiques s'estompent, au point qu'on a vu prospérer depuis quelques années le terme d' " incivilité ", pour désigner les comportements contrevenant aux usages .
Paradoxalement, le commerçant de Kaboul, bien plus en danger que le citadin français, se sent davantage en sécurité puisqu'il n'a pas d'autres repères que le désordre. Le citadin français a constaté, lui, pour peu qu'il ait passé trente ans, une détérioration de la situation . Il réclame en conséquence des initiatives de la part des institutions, mais il oublie souvent que la sécurité est aussi le résultat de comportements individuels et collectifs, et non un bien ou plus exactement un service de consommation.

Aborder aujourd'hui la sécurité dépasse les traditionnelles fonctions de police ( sécurité intérieure) ou d'armée ( sécurité extérieure ), même si celles-ci doivent conserver un rôle éminent. Dans un monde devenant plus ouvert, plus complexe et plus incertain, l' insécurité s'amplifie et se diversifie. Face à cette évolution, des initiatives multiples et judicieuses sont prises, souvent dans l'urgence, pour renforcer la sécurité des domaines les plus sensibles.
Pour autant, nos concitoyens ont le sentiment que les efforts déployés, même s'ils sont dans certains secteurs très efficaces, n'apportent pas de réponse satisfaisante au besoin global de sécurité de la société.
Partant de ce constat, la présente étude s'est attachée, à travers l'analyse des risques, des comportements, des organisations et des méthodes, à rechercher les voies susceptibles d'améliorer l'appréhension et le traitement des problèmes de sécurité quel que soit le domaine où ils se manifestent. Elle a, en conséquence, privilégié une approche globale de la sécurité, qui a mis en relief l'importance d'une culture de sécurité et les conditions d'une prise en compte optimale du phénomène. Elle en déduit, in fine, une série de recommandations susceptibles de réduire sensiblement les insuffisances actuelles.

  1. Le concept de Sécurité Globale
    1. La sécurité est à considérer dans sa complexité
    2. La sécurité se définit en opposition à l'insécurité
    3. La sécurité se définit en fonctiond'un choix de société
    4. Mais la sécurité n'est pas une fin
    5. Quand la sécurité n'est plus globale (un exemple : la structuration du territoire)
  2. La culture de sécurité
    1. L'initiation
    2. La formation
    3. L'information
    4. L'apprentissage
    5. La valorisation de l'image
  3. La prise en compte de la sécurité
    1. L'ETUDE
      1. L'anticipation
      2. L'expérience
      3. La hiérarchisation
      4. Les obstacles à surmonter
    2. LA DECISION et SA MISE EN OEUVRE
      1. Des objectifs, une stratégie, des moyens
      2. Des principes d'actions
    3. L'évaluation des résultats
  4. Propositions
    1. La culture de sécurité
      1. Apprentissage de la sécurité
      2. Formation à la sécurité
      3. Valorisation de la sécurité
    2. L'amélioration de la prise en compte de la sécurité
      1. La méthodologie : 3 phases
      2. L'organisation
      3. Les comportements
  5. Conclusion
  6. Annexe : les outils de la sécurité globale
Le concept de Sécurité Globale  
La sécurité couvre un large éventail de domaines tels que l'ordre public, la santé , la défense, l'environnement, les transports… Elle peut concerner les personnes, les biens, les espaces, les réseaux.
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La sécurité est à considérer dans sa complexité  
La difficulté à discerner les tenants et les aboutissants, la diversité des causes et des conséquences des situations d'insécurité conduit trop souvent à limiter la réflexion et le traitement de ces situations à des réponses d'urgence à effets essentiellement immédiats ou à la définition et à la mise en place de dispositifs élaborés mais limités à des secteurs relativement restreints ( industries à risques, par exemple).
Ainsi, l'augmentation des effectifs de police décidée dans un contexte de violence ne peut à elle seule résoudre le problème de l'accroissement de la délinquance, de même que l'on ne peut résoudre celui de la violence à l'école en imputant celle-ci à la seule désocialisation des jeunes en difficulté.
Il paraît donc indispensable de recourir à une approche plus approfondie des problèmes en recherchant l'enchaînement des causes immédiates et lointaines , les conséquences directes et indirectes, les interactions, la dynamique des situations et le rôle des acteurs concernés.
Cette analyse systémique et transversale fonde le concept de sécurité globale. Elle repose sur l'identification, c'est-à-dire la définition des risques, des domaines concernés, des enjeux, des conflits de rythme au sein des réseaux d' acteurs.
L'identification est déterminée par la culture ; le référentiel est construit par la formation, l'apprentissage et les retours d'expériences.
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La sécurité se définit en opposition à l'insécurité  
L'inquiétude est due à l'imprécision de la menace perçue. Dans nos sociétés, il apparaît que le sentiment d'insécurité naît de l'insuffisance d'identification des risques, de la méconnaissance de leur probabilité et de leur gravité, du schéma culturel de représentation individuel et collectif, de la surabondance d'informations et de la complexité croissante des réseaux. Ce sentiment résulte de dysfonctionnements de l'organisation de la collectivité et de la communication. Lui-même peut susciter de l'insécurité.
La politique de sécurité s'élabore à partir des risques d'insécurité ressentis et pressentis. Elle participe à l'élaboration de normes de sécurité exprimant les seuils d'acceptabilité de risque ; ces normes sont spécifiques à une société et à un moment donnés.
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La sécurité se définit en fonction d'un choix de société  
Nous sommes tous, individuellement et collectivement, acteurs de la sécurité ; nous participons à la production de la chaîne de la sécurité. Il suffit qu' un acteur soit défaillant pour que la chaîne soit fragilisée. L'interdépendance des parties d'une société indique que sa sécurité doit être globale, et qu'en retour la société doit être pensée dans son unité.
Patrimoine de la collectivité, la sécurité est un des axes majeurs des politiques en charge du bien public, elle est étroitement liée à notre choix de société, elle contribue à l'intégration et à la reconnaissance des individus.
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Mais la sécurité n'est pas une fin  
La sécurité apporte aux citoyens la protection, leur assure les conditions de l'épanouissement auquel ils peuvent prétendre, et développe au sein de la société un climat de confiance.
En revanche, elle ne peut être considérée comme une fin en soi, ce qui exclut de l'assurer au détriment des valeurs républicaines. Elle est indispensable au projet de société mais ne peut prétendre lui donner son sens profond.
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Quand la sécurité n'est plus globale un exemple : la structuration du territoire  
L'histoire de l'urbain a connu, à toutes les époques, la problématique de l'insécurité. La ségrégation urbaine, vieille comme la ville, s'organise désormais, en partie, à partir de préoccupations sécuritaires, au détriment, dans certains cas, d'une vision globale de la sécurité. Trois exemples illustrent ce propos.
· Les résidences sécurisées, nées aux Etats-Unis, font leur apparition en Europe.
Le " concept " est simple : un promoteur privé garantit aux habitants une sécurité totale(à ne pas confondre avec globale). La résidence est isolée par des barrières ou murs difficilement franchissables. On n'entre que sur invitation, dûment badgée, après le passage d'une barrière gardée par des vigiles armés et assistés de chiens. Un système de vidéosurveillance permet d'observer les alentours et l'intérieur de la résidence. Des rondes ont lieu régulièrement. Les habitants de ces îlots se caractérisent par un très fort pouvoir d'achat . La ségrégation sociale est ici poussée à son sommet. C'est à notre sens la négation de la notion de sécurité globale.
· La favela sécurisée
Rocinha, l'une des plus importantes favelas de Rio de Janeiro, située sur un morne d'accès déjà difficile, s'est dotée de barrières et de caméras de surveillance à ses points d'entrée , pour repérer…l'arrivée de la police. Celle-ci troublerait l'ordre imposé par les narcotrafiquants qui contrôlent la favela. Ces derniers fournissent par ailleurs dispensaires, écoles, petites installations sportives, bref, les services publics de base que l'administration n'assure plus. Les narcotrafiquants réalisent en fait un judicieux placement et payent peu cher l'asservissement des populations.
· La sécurité différenciée
Le trafic de stupéfiants a pris une ampleur certaine à Paris. Voici quelques années, il était présent dans certains quartiers caractérisés par une forte densité de passage, liée à une activité importante et touristique. Aujourd'hui, le trafic a disparu, ou presque, aux Champs Elysées, au Quartier Latin, il est devenu envahissant dans d'autres quartiers, plus périphériques, moins protégés. La police, efficace dans le premier cas, s'avoue impuissante dans les seconds. Où est la sécurité globale ?

Ces exemples démontrent que les perceptions sectorielles débouchent sur une sécurité à deux vitesses , en contradiction avec la vision globale de la sécurité de la société.

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La culture de sécurité  
L' ensemble des citoyens est concerné par la sécurité. Chacun doit connaître, comprendre ce dont il s'agit et mesurer sa responsabilité dans ce domaine. La société doit donner à tous une véritable culture de sécurité.
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L'initiation  
Cette culture commence par une initiation confiée de fait à la famille et à l'Education Nationale. Le rôle de ces deux instances est d'éclairer l'individu, dès son plus jeune âge, sur la multiplicité et la diversité des risques et menaces qu'il pourra connaître lui-même.
Ainsi les enfants, dès l'école maternelle, apprennent à respecter l'autre : camarade, instituteur ou animateur ainsi que le règlement des établissements dans lesquels ils passeront souvent 6 à 8 h par jour pendant de longues années. Ils doivent par ailleurs être éveillés à leur responsabilité et instruits de l'importance de la sécurité, importance qui s'imposera tout au long de l'existence. Cette sensibilisation initiale participe donc à l'acquisition par l'individu de sa propre maturité, puisqu'elle lui permet d'avoir une approche raisonnée de la réalité. A ce titre, elle est un élément central de l'éducation.
Mais même si on sait qu'une situation est dangereuse et comment, par exemple, on évacue une école en cas d'incendie ou comment traverser une rue, on ne peut pas, par définition, apprendre à faire face à toutes les situations.
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La formation  
C'est pourquoi l'initiation doit se prolonger à l'âge adulte par une formation continue de sécurité adaptée à chaque étape de la vie professionnelle et personnelle, et ce avec d'autant plus d'attention que les fonctions assumées impliquent un plus grand nombre de personnes . La conduite des véhicules comme l'occupation d'un emploi dans une usine à risque nécessitent une formation spécifique qu'il faudra actualiser en fonction de l'évolution des techniques et du contexte.
Le rôle de la formation est de permettre de faire face à tous les dangers pouvant survenir dans les occupations professionnelles, associatives ou personnelles. C'est donc une activité plus opératoire : il n'est question que d'étudier l'action qui permet une sécurité, à travers des règles et des organisations particulières. L'importance de la sécurité et le fait que l'individu y ait son rôle sont des évidences, si l'initiation a été correctement faite. Mais entre l'initiation et la formation, il y a un vaste domaine dans lequel ni l'école, ni les parents, ni les consignes de sécurité d'une entreprise n'ont d'influence. Il faut par exemple, non seulement connaître l'attitude à adopter dans le cas d'un accident nucléaire, mais il faut d'abord savoir s'il y en a un.
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L'information  
Ce genre de danger concerne toutes les composantes d'une société. Les caractéristiques d'un danger et les règles de sécurité s'y rapportant doivent être communiquées à tous les membres de la collectivité de sorte que personne ne voie sa situation particulière le rendre plus vulnérable. Ainsi, pour des raisons de santé publique, la loi oblige tous les enfants à être vaccinés, quand bien même les autorités religieuses que leurs parents reconnaissent s'y opposeraient. Le respect de la diversité des cultures ne doit pas se traduire par un manque de respect de l'individu.
Nous appelons le fait de faire connaître en permanence les risques face auxquels il convient de se prémunir, les règles de conduite, dans tous les domaines et pour tous : l'information de sécurité. L'information répond donc à la généralité du danger pour l'ensemble de la société.
L'information est une condition de l'exercice démocratique et républicain de la sécurité. Par une information concrète, précise et complète, le citoyen sait qu'on ne sait pas à sa place. Non seulement il est mis face à ses responsabilités immédiates, mais, fort d'une maturité acquise au cours de l'éducation, il est incité à nourrir une réflexion à la fois conjointe et individuelle sur la sécurité. C'est pourquoi les autorités ne doivent pas cacher les résultats des tentatives des services compétents pour réduire l'insécurité. Le fait de ne pas publier le rapport d'évaluation des Contrats Locaux de Sécurité priverait le citoyen de l'exercice légitime de sa participation à la vie de la cité. Ne sachant pas s'il est bien protégé, il ne peut délibérer en toute conscience des modifications à apporter, pas plus qu'il ne sait s'il doit s'en remettre aux autorités ou se charger lui-même de sa sécurité. L'opacité crée une situation contradictoire. D'un coté on dit au citoyen qu'il a une part de responsabilité ; de l'autre on le prive d'une juste évaluation de ce rôle, ne pouvant lui éviter une lecture subjective de la réalité et le double écueil d'une surestimation ou d'une sous-estimation de cette réalité.
L'exhaustivité de l'information se heurte à la partialité des points de vue et à la subjectivité des perceptions. Ce constat pose la question de la pratique de l'idéal démocratique et du rapport entre la sécurité et la liberté. Il s'agit de savoir si le meilleur moyen d'assurer la sécurité réside dans des consignes que les citoyens seraient impérativement tenus de suivre . En fait, tout individu peut recevoir une information objective et participer au débat public sur la sécurité.
Ainsi, la liberté et la sécurité ne connaissent pas de tension si la liberté est conçue comme action rationnelle, ce qui oblige chaque mesure de sécurité à l'être, et chaque individu à se conduire comme législateur , car être libre, c'est obéir à la loi qu'on s'est fixée .
Cette perception de soi-même comme législateur ne peut se faire que si l'éducation de l'enfant est orientée vers l'acquisition d'une réflexion rationnelle. Une telle éducation permet à l'individu de se transformer en personne, et de faire de l'intérêt de chacun son intérêt propre. C'est donc une éducation universaliste.
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L'apprentissage  
L'initiation, la formation et l'information se conjuguent pour déterminer une attitude face aux risques et menaces et construire un référentiel commun permettant l'acquisition de réflexes pour réagir aux situations imprévues. C'est pourquoi on retrouve, dans toutes ces étapes d'éducation à la sécurité, des exercices de simulation que nous regroupons sous la notion d'apprentissage de la sécurité. Ces exercices ont pour objectif de mettre en situation les acteurs, les usagers et les équipes de secours, pour assimiler les consignes à tenir en cas d'accident, comprendre les messages et acquérir des attitudes réflexes permettant de gagner du temps dans les interventions, de préserver les vies, les installations et les biens.
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La valorisation de l'image  
Il paraît important de souligner que la culture de sécurité implique une valorisation de l'image de la fonction de ceux qui s'y consacrent. Il n'est pas possible de prétendre veiller à la sécurité tout en la dédaignant. Insulter et mépriser celui par qui on est gardé ou traiter avec désinvolture les questions de sécurité, c'est se déconsidérer et favoriser les incivilités. Ainsi, l'égard que nous portons à nos enseignants, nos pompiers ou nos policiers est révélateur de la valeur que nous accordons à la sécurité. Honorer ceux qui nous protègent, c'est reconnaître notre vocation à nous garder nous-mêmes.
Il convient qu'en retour les gardiens de la cité soient irréprochables, et que leurs manquements éventuels soient reconnus et sanctionnés. On ne peut exiger du citoyen le respect d'une loi que ceux qui l'édictent ou qui en surveillent l'exécution se dispenseraient d'appliquer. L'importance de la sécurité et la considération dont elle doit faire l'objet impliquent donc l'égale obéissance de tous à la loi, et que la loi soit la même pour tous.
Mais le législateur doit éviter de voter des décisions qui se révèlent inapplicables parce qu'elles n'ont pas été assorties de l'attribution des moyens correspondants. Inapplicable, la loi devient absurde et remet en question le principe même de l'autorité qui lui est attaché. Une loi votée sans souci de son application entraîne la perte de confiance dans les élus du peuple, dans le droit et entre les hommes. Alors, plus rien ne garantit la sécurité de la personne face aux appétits d'autrui, des corporatismes, des communautarismes et des groupes de pression de toutes sortes.
Il résulte de ces constatations qu'une culture de sécurité ne peut faire l'économie d'aucun des éléments que nous avons cités. Nous avons pu décomposer l'apprentissage de la sécurité en trois étapes, dont aucune n'a de sens sans la suivante. L'initiation ne concerne que le monde de l'enfant et reste silencieuse quant aux activités de l'adulte (en tenant évidemment compte du fait que certaines règles de sécurité sont valables tout au long de l'existence). La vie d'adulte ne se restreint pas à ces seules activités et l'information recouvre le vaste domaine de ce qui n'est contenu ni dans l'initiation, ni dans la formation. Inversement, il apparaît que chaque étape nécessite l'étape précédente. La formation ne peut exister sans une sensibilisation qui fait prendre conscience à l'individu de l'importance de la sécurité et des attitudes qui permettent de l'assurer. L'information s'adresse à des consciences rationnelles, susceptibles de comprendre la sécurité dans un monde d'adulte, et de raisonner selon une perspective politique : elle élargit la conscience de la personne au-delà du champ de ses activités.
C'est cette perspective politique qui fonde la culture de sécurité et qui assure la compatibilité entre la sécurité et la liberté.
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La prise en compte de la sécurité  
La prise en compte de la sécurité inclut l' analyse et la pratique. Elle repose sur l'enchaînement de trois étapes :
- l'étude approfondie des risques et des menaces,
- le choix et la mise en oeuvre des réponses à apporter aux problèmes posés
- l'évaluation des résultats.
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L'ETUDE  
Elle a pour objet l'identification de tous les éléments caractérisant les problèmes posés et la détermination des solutions les mieux adaptées pour y répondre.
Identifier c'est définir les risques à l'aide d'un modèle de référence : analyser, classer les éléments d'informations qui nous parviennent avec les repères dont nous disposons pour discerner les priorités et construire notre propre modèle en vue de la prise de décision.
Ces repères individuels ou collectifs sont le produit de l'expérience et des valeurs, elles-mêmes fondées sur le rapport entre l'individu et la société à un moment donné, sur la culture, la capacité à trouver et comprendre l'information, l'intégration de l'individu et sa reconnaissance par la collectivité.
L'étude objective du risque concerne sa nature, ses causes, ses effets, sa dynamique, sa perception par les différents acteurs ainsi que la détermination des réseaux impliqués. La complexité et l'évolutivité de ces paramètres imposent qu'elle fasse l'objet d' un suivi permanent et qu'elle soit conduite à deux niveaux d'expertise complémentaires, le niveau technique incombant aux spécialistes des domaines concernés, puis le niveau stratégique fondé sur une approche globale donc nécessairement pluridisciplinaire.
Le souci de sécurité découle de l'existence de risques. Pour garantir une action efficace, il faut procéder à l'analyse systémique du danger en présence duquel on se trouve. Cette étude ne peut s'effectuer sans intégration des contraintes de temps, d'espace et de coût. En effet, se combinent plusieurs référents de temps: le temps de réaction à l'événement, le temps de mise en place des dispositifs, le temps pédagogique (évolution des mentalités), le temps de socialisation (harmonisation des rythmes de vie individuels et collectifs qui permet l'intégration sociale), le temps politique qui tend à privilégier la durée du mandat électif comme horizon décisionnel. Ces temps doivent s'accorder avec le temps de gestation des risques et menaces, qui peut aller de l'instantanéité (catastrophes naturelles) à des temps très longs (risques environnementaux), en passant par des temps relativement longs (géostratégie). A la diversité des temps correspond une diversité de l'espace à prendre en considération, qu'il s'agisse de l'espace géographique (local, régional et international) ou du champ des domaines concernés (santé, environnement, ordre public,…) ; ces espaces sont structurés par des flux spécifiques nécessitant une représentation cartographique évolutive. Enfin, la sécurité a un coût. Celui-ci est d'autant plus lourd que les risques n'ont pas été suffisamment anticipés et maîtrisés, que les exigences des citoyens sont plus élevées. L'ensemble de ces contraintes conduit à définir des priorités, ainsi que des seuils d'acceptabilité.
Afin d' éclairer au mieux le choix politique, l'étude devra reconnaître l'importance de l'anticipation, de l'analyse des retours d'expériences et de la hiérarchisation des risques.
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L'anticipation  
Chacun sait que l'imprévoyance coûte cher, et que les réactions trop tardives ne concernent que les effets immédiats sans s'attaquer aux problèmes de fond.
Plus tôt on s'intéresse à l'émergence d'un risque, plus il sera facile de le conjurer, d'y parer efficacement, et de minimiser les dommages qu'on peut en craindre.
Il est donc nécessaire de s'attacher à un effort d'anticipation global et permanent.
Cet effort porte sur l'analyse du développement possible des situations d'insécurité existantes et la prise en compte des risques potentiels. Il doit aussi s'appliquer à l'exploration de risques imaginables par une recherche d'indices annonciateurs de dysfonctionnements lourds de conséquences.
L'anticipation requiert la mobilisation des responsables : elle constitue une démarche de prévention et contribue à la maîtrise nécessaire à une politique de sécurité efficace.
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L'expérience  
La sécurité est d'autant plus difficile à appréhender qu'elle s'applique à des domaines complexes, caractérisés par l'incertitude et l'imprévisibilité.
L'étude des retours d'expériences contribue à la connaissance du problème, par l'analyse de l'état des lieux. Elle transforme la vue linéaire individuelle d'un phénomène en une mise en perspective des perceptions des acteurs. Ainsi, il est possible d' imaginer les évolutions possibles, de comprendre les réactions des organisations et des individus ( les délais de latence) et d' examiner dans quelle mesure les réponses apportées aux situations vécues sont transposables. En outre, ces retours d'expériences permettent le montage d'exercices nécessaires à l'apprentissage et l'élaboration de scénarii et de stratégies.
Aucune situation d'insécurité n'étant intégralement reproductible, l'exploitation des expériences demande discernement et savoir-faire. En effet, toute solution pertinente à une situation dépend étroitement d'un contexte politique, social et économique, de la perception et des comportements des acteurs individuels et collectifs.
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La hiérarchisation  
La complexité de l'appréhension et du traitement de la sécurité conduit à recenser la diversité des causes et des conséquences des problèmes d'insécurité et à les classer en fonction de leur importance et de leur probabilité d'occurrence (la courbe de Farmer décrit l'importance des risques en fonction de leur gravité et de leur probabilité d'occurrence) pour construire la matrice d'efficacité des solutions envisageables dans le temps et dans l'espace. Il importe de hiérarchiser les causes en fonction de leur caractère déterminant dans le développement de l'insécurité et les conséquences selon leur caractère de gravité, tout en discernant les interactions et les phénomènes d'engrenage dont les unes et les autres peuvent faire l'objet.
L'élaboration des choix stratégiques associe à un niveau d'efficacité escompté, un processus caractérisé par des coûts et des délais.
La matrice d'efficacité représente l'éventail des solutions possibles et permet de les hiérarchiser.
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Les obstacles à surmonter  
Les principaux obstacles à surmonter tiennent essentiellement aux organisations et à leur fonctionnement .
L'organisation peut générer des dysfonctionnements dus à la répartition des attributions entre les divers organismes concernés. Cette répartition peut comporter des lacunes, auquel cas certains problèmes ne sont pas pris en considération. Elle peut aussi se prêter à des redondances d'attribution : un même problème de sécurité peut alors être pris en charge par deux organismes différents et provoquer un éventuel conflit de prérogatives générateur de perte de temps et d'efficacité.
Le cloisonnement des organisations ne favorise pas la transversalité nécessaire au bon déroulement de l'étude et à son efficacité. Cette transversalité implique la reconnaissance des compétences et une transmission aisée des informations indispensables .
Enfin les responsables de l'étude ne doivent pas être soumis à des contraintes susceptibles de nuire à la qualité des résultats, ils doivent donc disposer de l'indépendance ainsi que des moyens et des délais requis.
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LA DECISION et SA MISE EN OEUVRE  
La décision apporte une réponse à un problème d'insécurité posé. Elle se caractérise par des objectifs, une stratégie et des moyens.
L'éventail des solutions possibles que la matrice d'efficacité a permis de classer se trouve confronté à un ensemble de contraintes conjoncturelles et structurelles qui rend difficile le choix qui incombe au responsable politique. Sa démarche consiste à privilégier certains objectifs considérés comme prioritaires et à accepter en contrepartie de réduire ou de différer l'effort souhaitable sur d'autres objectifs.
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Des objectifs, une stratégie, des moyens  
Quels qu'ils soient, les choix d'objectifs et de stratégie effectués doivent s'insérer dans une vision globale et prospective, et constituer des solutions ouvertes pour éviter l'enfermement contre-productif du traitement partiel d'un problème artificiellement déconnecté de son contexte.
L'application des décisions implique la réunion et la mise en œuvre de moyens humains , matériels et financiers clairement identifiés.
Il s'agit généralement de moyens existants qu'il convient de mobiliser pour une action nouvelle. Ceci impose, en particulier pour les moyens humains, une souplesse de gestion des personnels qui ne soit pas entravée par des rigidités liées à des statuts favorisant l'immobilisme ou le corporatisme.
Face à des situations exceptionnelles (catastrophes, terrorisme…), le pouvoir politique doit pouvoir recourir à des moyens exceptionnels constitués par des réserves notamment des armées dont il importe de prévoir la constitution et les modalités d'engagement.
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Des principes d'actions  
Le succès d'une politique repose sur un partage cohérent des responsabilités, sur la coordination et sur le suivi des actions engagées.
Les stratégies envisagées nécessitent la participation d'acteurs différents que leurs attributions normales ne prédisposent pas , en général, à travailler ensemble et qui devront nouer entre eux des relations de travail nouvelles et particulières ( exemple : justice-éducation nationale, santé-agriculture,…).
Il importe alors de s'attacher dès le départ à une clarification des responsabilités avec notamment la désignation d'une autorité pilote d'ensemble, chargée d'atteindre l'objectif fixé par le pouvoir politique. Ce responsable devra nécessairement avoir autorité sur les différentes parties prenantes pour ce qui concerne son domaine de compétences.
Ainsi , la formule d'un ministère de la sécurité, n'ayant pas en ce domaine autorité sur les autres ministères, paraît devoir être rejetée car elle s'opposerait à la transversalité indispensable au recueil d'informations et à la conduite de l'action. Elle aurait aussi l'inconvénient de favoriser le désintérêt des autres ministères pour la sécurité et de porter en germe le risque d'une dérive vers un ministère de la sûreté.
Le deuxième principe impose la coordination des actions . La multiplicité des acteurs, les différences de statut, de méthodes, d'habitudes, risquent de conduire à la dispersion des efforts, à un gaspillage d'énergie et de moyens. Les responsables de tous niveaux doivent donc s'attacher à assurer la convergence des efforts par une concertation régulière entre les différents acteurs oeuvrant sur un même créneau. Il importe notamment de bien coordonner les actions du monde associatif et celles des institutions de façon à en obtenir une judicieuse complémentarité.
Enfin, le suivi des actions entreprises est fondamental. Dans un domaine aussi complexe que la sécurité, les solutions fondées sur une étude théorique, aussi poussée soit-elle, ne peuvent prétendre à la perfection, d'autant que le contexte de leur mise en application ( contexte politique, humain, économique, ) peut facilement influer sur les résultats escomptés. Aussi est-il nécessaire de procéder à un suivi rigoureux de la mise en œuvre des décisions, à une analyse régulière des écarts entre les résultats constatés et les résultats prévus, de façon à pouvoir sans retard, réagir avec efficacité, surmonter les obstacles imprévus, pallier les déficiences ou infléchir les orientations initiales.
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L'évaluation des résultats  
Une prise en compte optimale de la sécurité impose une évaluation des résultats des actions entreprises. Cette phase indispensable est souvent minimisée par l'action politique friande des effets d'annonce mais peu empressée à mesurer l'impact réel , quantitatif et qualitatif, des décisions prises. Ainsi les politiques de la ville qui se sont succédé auraient été plus performantes si chacune avait pu bénéficier des retours d'expériences des précédentes.
L'évaluation est nécessaire à chaque étape significative de l'action entreprise et lorsqu'elle est arrivée au terme qui lui a été fixé.

La mesure de l'écart entre la prévision et la réalité constitue une information majeure :

-comme appréciation du degré d'atteinte de l'objectif visé et des conditions dans lesquelles les résultats ont été obtenus(coûts, délais, champ d'application).

-comme retour d'expériences pour les décisions futures à partir de l'analyse critique des choix faits, de l'attitude des acteurs, de l'influence du contexte connu et des éléments imprévus,

-comme facteur d'une éventuelle remise en cause des normes, des méthodes et des organisations. Ainsi, les problèmes rencontrés à l'occasion du naufrage de l'Erika auraient été mieux maîtrisés si tous les enseignements avaient été tirés de la gestion de celui de l'Amoco-Cadiz.

Pour être crédible, l' évaluation doit être rigoureuse et exhaustive ; elle ne peut se limiter à des impressions générales ni à un bilan incomplet et subjectif. Elle doit être conduite par un ou des organismes indépendants dont les conclusions seront rendues publiques, ce qui exclut la pratique des rapports non diffusés par souci de dissimuler des résultats non satisfaisants.

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Propositions  
La nouvelle approche de la sécurité retenue dans la présente étude conduit à énoncer un certain nombre de propositions de nature à assurer une meilleure maîtrise du phénomène, dans les deux domaines suivants: la culture de sécurité et l'amélioration de sa prise en compte.
En outre sont proposés en annexe les outils nécessaires à la mise en œuvre d'une politique globale de sécurité.
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La culture de sécurité  
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Apprentissage de la sécurité  
Intégrer dans les enseignements existants, généraux et techniques, primaire et secondaire, un apprentissage de la sécurité.
Le programme envisagé aura pour principal objet de faire prendre conscience à chacun de sa responsabilité dans la lutte contre l'insécurité. Il devra être progressif, se fonder sur des cas concrets et comporter des exercices pratiques pluridisciplinaires pour accroître les capacités d'analyse de la complexité. La formation initiale aura pour finalité d' élargir les modèles de représentation individuelle pour intégrer la notion d'intérêt collectif .
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Formation à la sécurité  
- Inclure dans tout cursus de formation initiale et continue, notamment dans ceux préparant à des postes de responsabilité (université, institut, grandes écoles, stages spécifiques..) des modules de sensibilisation et de mises en situation pour acquérir les réflexes permettant aux intéressés d' assumer leurs responsabilités .
- Créer un métier : le concepteur de sécurité globale .
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Valorisation de la sécurité  
- Développer la sensibilisation de l'opinion par une communication s'attachant à éclairer le citoyen sur la réalité des situations, expliquer et justifier les choix opérationnels .
- Accroître dans l'esprit de la population l'importance de la sécurité et valoriser la mission de tous ceux qui en ont la charge.
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L'amélioration de la prise en compte de la sécurité  
Cette amélioration concerne les domaines de la méthodologie, de l'organisation et des comportements.
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La méthodologie : 3 phases  
Il n'est pas satisfaisant de se limiter à la résolution au cas par cas des problèmes d'insécurité, au fur et à mesure de leur apparition. Sans minimiser l'importance évidente des réactions ponctuelles et à effet de court terme, il convient de s'attacher à traiter les problèmes au fond, dans leur contexte et en référence aux objectifs d'une politique globale de sécurité.
L'approche globale préconisée respectera une séquence logique en trois phases :
-la phase d'étude conduit à l'élaboration de propositions,
-la phase de l'action, qui met en oeuvre la décision, ne se conçoit qu'assortie d'un suivi rigoureux comportant l'audition des acteurs de la sécurité globale et l'analyse permanente des renseignements consignés dans les tableaux de bord,
-la phase d'évaluation , condition essentielle de progrès, permet d'apprécier l'efficacité des actions engagées et d'envisager les suites à leur donner(modifications à apporter aux normes, aux organisations, sanctions à prononcer, ….).
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L'organisation  
L'application de l'approche globale de la sécurité suppose qu'auprès du responsable de tout
ensemble fonctionnel soit mise en place une structure en charge de la sécurité.
Au niveau de l'Etat, une Organisation en charge de la Sécurité Globale devra être créée avec pour missions l'analyse globale des problèmes, l'élaboration de propositions de politique générale, la supervision des actions, l'évaluation des résultats et , en situation exceptionnelle, un soutien éclairé du pouvoir politique.
Cette organisation devra être placée sous la responsabilité du 1er ministre et avoir autorité , dans son seul domaine de compétences, sur les différents départements ministériels. Son bon fonctionnement suppose l'indépendance (à l'abri des courants politiques ou autres lobbies), la continuité ( non tributaire du temps politique) et la réunion de compétences pluridisciplinaires incontestables. Pour renforcer sa légitimité et sa crédibilité, elle devra s'appuyer sur les travaux de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité.
Face à des situations exceptionnelles (catastrophes, terrorisme,…), cette organisation sera en mesure de proposer dans les meilleurs délais des réponses appropriées comportant la désignation d'une autorité pilote, la définition des dispositifs, des moyens et des modalités juridiques (éventuellement dérogatoires) de leur mise en œuvre.
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Les comportements  
Le pouvoir politique privilégiera notamment :

- une nouvelle conception de la gestion des ressources humaines de la fonction publique qui apportera la souplesse indispensable à l'efficacité du traitement de l'insécurité : disponibilité et mobilité ,
- l'ouverture d'esprit qui favorise les relations transverses, évite le cloisonnement et la rétention d'informations,
- la rigueur dans les analyses et les évaluations,
- la transparence, exigence de la démocratie et condition de la confiance indispensable au climat de sécurité.

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Conclusion  
L'insécurité est devenue la première préoccupation de nos concitoyens, le problème majeur de notre société. Elle s'exprime de multiples façons: les catastrophes de toute nature, les débordements de la violence, le développement de l'incivisme et de la délinquance, l'aggravation des inégalités, de la pauvreté et de la précarité, l'accentuation des déséquilibres démographiques, économiques et sociaux, la montée des communautarismes intolérants, la toute puissance de l'argent alimentant les réseaux maffieux et la criminalité internationale.

Depuis longtemps, ces phénomènes funestes ont suscité des réactions vigoureuses et de plus en plus nombreuses de la part des citoyens, des associations et des institutions. Leur lutte s'est engagée essentiellement là où l'insécurité se fait directement sentir, sur le terrain, au plus près des victimes effectives ou potentielles et elle y a atteint des résultats souvent remarquables.
Mais, pour primordial qu'il soit, le combat du terrain n'est pas suffisant ; il se heurte en effet à divers obstacles qui en limitent l'efficacité : le défaut de vision d'ensemble d'un domaine par nature complexe, une certaine dispersion des efforts, l'impératif d'urgence qui s'attache plus au traitement des effets qu'à celui des causes et enfin les contraintes liées au manque de moyens et à la relative rigidité de règles juridiques et administratives parfois inadaptées.
L'engagement de terrain doit donc se conjuguer avec une approche " par le haut ", par une politique globale de sécurité, dont nous avons tenté d'esquisser les grandes lignes. Nous nous sommes attachés à définir un concept de sécurité globale et à formuler des propositions concrètes. Celles-ci ne demandent pas un effort financier supplémentaire mais une nouvelle organisation permettant une mise en réseau efficace des ressources existantes.
Nous considérons que l' adoption de ces propositions et leur mise en œuvre avec détermination et pragmatisme constitueront un pas nouveau et important dans le processus d'amélioration de la sécurité dans notre pays.

Le progrès escompté, qui se fonde en grande partie sur les fonctions régaliennes de l'Etat et l'efficacité que l'on peut en attendre, doit se prolonger par la nécessaire prise en considération de la dimension internationale de nombreux problèmes d'insécurité. Cette phase est déjà engagée et doit être poursuivie avec ténacité, même si son cheminement risque d'être long et difficile en raison des divergences qui entravent l'action de la communauté internationale.

Si la sécurité occupe une place majeure dans les préoccupations du moment, il faut raison garder et ne pas se laisser gagner par un alarmisme excessif. Les risques sont inhérents à la condition humaine; certains sont ferments d'épanouissement, d'autres, dommageables, doivent néanmoins être considérés comme acceptables, d'autres enfin doivent faire l'objet d'une lutte sans merci, et ce sont ces derniers qui nous intéressent ici.
Enfin, il convient d'éviter d'une part des visions simplistes et sans nuances illustrées par les slogans démagogiques et fallacieux du type " risque zéro ", " tolérance zéro " ou " impunité zéro " et d'autre part l'obsession sécuritaire qui pourrait conduire à sacrifier à la sécurité les valeurs premières de liberté, de justice et de solidarité.

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Annexe : les outils de la sécurité globale  
La mise en place d'une politique de sécurité globale implique de :

1. Constituer des bases de données cohérentes utilisables par tous les acteurs.

2. Définir des concepts simples et des échelles de gravité permettant des sommations, des comparaisons dans l'espace et dans le temps.

3. Construire la carte décisionnelle qui permet d'identifier le réseau des acteurs, les niveaux d'organisation, l'espace concerné par les décisions , le système global de communication de l'organisation.

4. Comprendre le référentiel des autres, reconnaître leurs capacités et leurs limites pour construire des réseaux actifs et efficaces.

5. Mobiliser tous les acteurs par l'analyse des retours d'expériences pour développer le sens critique, la responsabilité, l'autonomie, constituer une mémoire collective et un instrument de projection à moyen et long terme.

6. Concevoir la communication comme un outil de mise en cohérence des différents référentiels, de transmission de l'information , d'explication des décisions et d'évaluation de la situation.

7. Produire la matrice d'efficacité qui permet d'évaluer la fiabilité et la pertinence des dispositifs, d'analyser la complexité des organisations et d'accroître l' efficacité des actions en situation normale et en situation dégradée.

8. Bâtir, entretenir et surveiller un réseau d'acteurs chargés de l'information, de l'anticipation et de la mise en œuvre de la décision.

9. Construire des indices de sécurité (10 environ) permettant d' appréhender rapidement la sécurité globale comme une construction positive de notre démocratie : gains de temps, de qualité, réduction des coûts …
Passer de la destruction à la construction de valeur, en décelant les éléments constitutifs de la chaîne de la Sécurité : ce qui implique une analyse de la qualité des espaces , des réseaux, de la communication, de la santé publique(E.S.B.)
Rechercher les critères de mise en confiance des citoyens.

10. Formaliser un compte satellite " Sécurité Globale "
Extension du cadre central des comptes nationaux permettant d'analyser de manière horizontale les domaines et les enjeux de la collectivité nationale à l'instar de celui de l'éducation nationale, du logement et de la défense.
Ce compte permettrait pour la comptabilité nationale une analyse économique transversale des dépenses et du coût de la sécurité globale en France.
Elaboré avec l'Institut des Hautes Etudes de la Sécurité Intérieure, en associant les différents bureaux statistiques concernés : Intérieur, Collectivités locales, Justice, Finances et Défense, il devra aussi recueillir les informations auprès de l'INSEE concernant les industries, les biens et services (assurances….).

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